COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL

 

Cours écrit par O. CAMY
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Plan du cours sur la Ve République
 
 


§3 L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
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Historique : comme le rappelle G. Burdeau, les lois de 1875 ne s'occupaient que de la justice politique. Par contre la Constitution de 1946 traitait des diverses justices :
 - de la justice ordinaire en établissant un Conseil de la magistrature

 - de la justice politique en instituant une Haute Cour

 - de la justice constitutionnelle en instaurant un Comité Constitutionnel chargé pour la première fois en France d'effectuer un contrôle de la conformité des lois à la Constitution.

La Constitution de 1958 s'inspire de ce précédent en traitant de ces trois justices dont le statut constitutionnel est amélioré.

A) LA JUSTICE ORDINAIRE

La Constitution tente de garantir l'indépendance des juges à travers la constitutionalisation de leur statut et la mise à l'abri de leur carrière vis-à-vis des interventions de l'exécutif.

a) la constitutionalisation de leur statut
Il faut distinguer entre magistrats du  Parquet et magistrats du Siège.

Les premiers dont la fonction essentielle est d'assurer la poursuite des infractions constituent un corps hiérarchisé placé sous l'autorité du Garde des Sceaux. Ils sont amenés non à juger mais à requérir ; c'est pourquoi on admet ici qu'il existe un lien entre l'Exécutif et le Judiciaire. La Constitution ne modifie en rien leur statut antérieur.

Les seconds qui ont pour fonction de juger voient leur statut constitutionnalisé. Ainsi, leur inamovibilité qui avait été établie par une simple loi ordinaire sous la IIIème République est érigée au rang de règle constitutionnelle par l'article 64 de la Constitution. Rappelons que l'inamovibilité signifie que les juges sont assurés qu'ils ne pourront être révoqués ou changés de poste que pour des raisons non arbitraires et officielles. Le but ici est d'assurer une séparation la plus étanche possible entre PE et PL.

b) une carrière protégée des interventions de l'Exécutif
- maintien en 1958 du Conseil Supérieur de la Magistrature institué en 1946 qui intervient dans les "mouvements " de carrière des magistrats.

- réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature en 1993

- projet de réforme du CSM (réforme constitutionnelle et 2 projets delois organiques) mars1998

------- composition du CSM
En 1958, outre le Chef de l'État qui le présidait et le Garde des Sceaux, tous ses membres sont désignés par le Président de la République. Mais, sauf deux membres laissés à son choix exclusif, la Chef de l'État doit désigner les autres conseillers parmi des personnalités présentées par le bureau de la Cour de Cassation et l'assemblée du Conseil d'État.

Avec la réforme du 27 juillet 1993, la composition du Conseil dépend moins de l'Exécutif. (nouvel article 65)

Pour la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, le Conseil comprend outre le Chef de l'État et le Garde des Sceaux, 5 magistrats du siège et 1 magistrat du parquet, 1 conseiller d'État et 3 personnalités ni juges, ni parlementaires désignées par le Chef de l'État, les présidents de l'AN et du Sénat.

Pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, outre le Chef de l'État et le Garde des Sceaux, 5 magistrats du Parquet et 1 magistrat du siège et les trois mêmes personnalités.

Projet de réforme mars 1998 : présidé comme auparavant par le chef de l'Etat et vice-présidé par le garde des Sceaux, le CSM sera réuni en une seule assemblée et comprendra 21 membres : 10 magistrats du siège et du parquet, 10 personnalités n'appartenant pas à l'ordre judiciaire et un conseiller d'État désigné par l'assemblée générale du Conseil. Les 10 magistrats seront élus par leurs pairs. Les personnalités extérieures seront désignées par les présidents de la République, du Sénat, de l'AN et du CES et enfin le président de la C de C, le vice-président du CE et le premier président d la Cour des Comptes.  Le but ici est d'éviter le corporatisme.

----------rôle du CSM :
Concernant la carrière des magistrats des garanties supplémentaires sont prévues :

1 nomination :

- pour les magistrats du siège, il est prévu en 1958 qu'il fait des propositions pour les nominations de magistrats à la C de C et pour celles de premier président de la CA. Il donne son avis sur les propositions du ministre de la justice pour les autres nominations. Avec la réforme de 1993, la Conseil fait aussi des propositions pour les nominations de président de TGI. Les autres magistrats sont maintenant nommés sur son avis conforme.

Projet de réforme mars 1998 : maintien de la procédure

- pour les magistrats du parquet, en 1958, il n'intervient pas. Depuis la réforme de 1993, il donne un avis simple pour leur nomination mais n'est pas consulté pour ceux qui sont nommés en Conseil de Ministres comme les Procureurs généraux.

Projet de réforme mars 1998 : renforcement des pouvoirs du CSM. Désormais toutes les nominations du parquet, y compris celle des procureurs généraux, seront soumise au CSM qui rendra un avis auquel le ministre sera tenu de se conformer. Les propositions de nomination en revanche continuent à émaner du garde des Sceaux. Le gouvernement après avoir envisagé de se départir de ce pouvoir en le confiant au CSM a reculé estimant qu'il fallait maintenir un lien de dépendance entre le ministre et les parquetiers.

2 sanctions :
- pour les magistrats du siège, en 1958, le Conseil statue comme Conseil de discipline et est présidé par le 1er Pt de la C de C. Depuis 1993, inchangé.

- pour les magistrats du parquet, en 1958 le Conseil n'intervient pas. Depuis 1993, il donne  son avis sur les sanctions disciplinaires les concernant. Le Conseil, ou plutôt la formation compétente est alors présidée par le procureur général près la C de C.

Projet de réforme de mars 1998 : le CSM pourra être saisi non plus seulement par le garde des Sceaux, mais aussi par les chefs de juridictions. Les décisions du conseil de discipline seront rendues publiques et les audiences ne seront plus soumise à la règle du huit clos : les débats seront ouverts au public.

Une nouvelle voie est inaugurée permettant la mise en cause de la responsabilité disciplinaire des magistrats en créant des « commissions d'examen des réclamations des justiciables ». Tout justiciable qui s'estime « lésé en raison d'un acte accompli par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions et susceptible de recevoir une qualification disciplinaire » pourra adresser à cette commission une réclamation. Le ministre de la justice pourra diligenter des investigations et engager des poursuites disciplinaires.

c) les poursuites :
Le projet de réforme de 1998 essaye de mette en place de nouvelles relations entre les parquets et la chancellerie. Il s'agit d'instaurer une autonomie strictement encadrée du parquet pour ce qui concerne le déclenchement des poursuites.

Le garde des sceaux ne peut plus donner d'instructions individuelles dans les dossiers particuliers, notamment des instructions tendant au classement sans suite d'une procédure.

Mais en contrepartie, il se voit accorder du droit « de mettre en mouvement l'action publique ou d'exercer des voies de recours contre les décisions de classement ou de non-lieu. Il peut aussi « saisir les juridictions d'instruction ou de jugement de toutes les réquisitions qu'il juge opportunes ».

B) LA JUSTICE POLITIQUE

Tous les régimes ont institué des juridictions spéciales pour connaître des activités politiques contraires à l'intérêt général de l'État. L'existence de cette justice se justifie généralement de trois points de vue :
- l'intérêt du régime : les juges ordinaires n'auraient pas l'indépendance nécessaire à l'égard d'hommes qui ont été au pouvoir ou qui peuvent y revenir.

- l'intérêt de la magistrature qui exige qu'elle ne soit pas mêlée aux controverses politiques

- l'intérêt des accusés dont l'activité doit pouvoir être appréciée par un organe compétent pour connaître de toutes les circonstances.

Ces justifications ne sont guère convaincantes et n'excluent pas le caractère de juridictions d'exception des organes de la justice politique.

L'existence d'une justice politique se traduit généralement par la mise en place de procédures spéciales pour la mise en accusation ou encore de tribunaux spéciaux pour le jugement. Cette justice s'adresse aux citoyens ordinaire ou aux ministres et chefs d'État soupçonnés d'entreprendre des activités contraires à l'intérêt de l'État. (pour ces derniers, on passe outre leur irresponsabilité concernant les activités entreprises dans le cadre de leur fonction).

Notons cependant qu'en Angleterre, les ministres sont soumis aux mêmes règles de droit que les citoyens ordinaires, il n'existe pas de juridictions d'exception. Mais traditionnellement et exceptionnellement, le Parlement peut juger les ministres en cas de Haute trahison ou de crimes graves.

1 Le système de la IIIe République: sous les lois de 1875, l'organe de la justice politique était le Sénat constitué en Haute Cour de Justice. Sa compétence était double:
- du point de vue des personnes, il était compétent pour juger le Président de la République et les ministres. Dans ce cas, c'était la Chambre des députés qui mettait en accusation.

- du point de vue du contenu, la Haute Cour était compétente pour juger toutes les personnes prévenues d'attentat à la sûreté de l'État ou de complot tendant à changer la forme du Gouvernement. Dans ce cas, c'était au Gouvernement qu'il appartenait de décider s'il y avait lieu de dessaisir les tribunaux de droit commun et de poursuivre l'accusation devant la Haute Cour.

Dans tous les cas, la Haute Cour demeurait une juridiction, c'est-à-dire qu'elle était chargée d'appliquer la loi. Elle ne pouvait par conséquent punir un fait qui n'était pas puni par la loi, ni appliquer à un fait punissable une peine autre que celle prévue par la loi. (La Haute Cour ne s'est pas toujours crue liée par cette règle: affaire Malvy).

2 Le système de la IVe République: les articles 57 à 59 prévoient l'existence d'une Haute Cour qui a été organisée par la loi du 27 octobre 1946. Elle se composait d'un Président, de deux vice-présidents, de 30 juges titulaires et de 30 juges suppléants tous élus par l'Assemblée Nationale. La Haute Cour avait pour vocation de juger le Président de la République en cas de Haute trahison (art. 42) et les ministres (art. 57). Ils sont mis en accusation par l'Assemblée Nationale.
La Haute Cour devait ne prononcer que des peines prévues par les lois pénales ordinaires. Le vote était secret et la décision prise à la majorité absolue.

3 Le système de la Ve République.
- Le titre IX de la Constitution maintient l'institution d'une Haute Cour (art. 67) dont la composition, le fonctionnement et la procédure ont été fixées par une ordonnance du 2 janvier 1959.

Le Président de la République n'est responsable devant cette Cour qu'en cas de Haute Trahison ; il s'agit manifestement d'un délit politique dont le contenu est très indéterminé. M. Gicquel l'analyse comme “un manquement grave du Chef de l'État aux devoirs de sa charge” ou encore comme “une violation manifeste de la Constitution”. (p. 642, manuel de 1987). Selon une décision contestable de 1999 du Conseil constitutionnel, la Haute Cour serait aussi compétente pour juger le Président en cas d'atteinte à la loi au plan pénal pour des actes extérieurs à sa fonction.

La procédure de la Haute Cour de Justice était applicable jusqu'en 1993 aux membres du Gouvernement ainsi qu'à leurs complices dans le cas de complot contre la sûreté de l'État. Ils étaient aussi redevables de la Haute Cour pour les crimes et délits dans l'exercice de leur fonction; dans cette hypothèse, la Haute cour était liée par la définition des crimes et délits telle qu'elle résulte des lois pénales en vigueur (art. 68 al.1). On ne peut donc dans ce dernier cas parler de justice politique.

-La révision de 1993 : elle a créé une Cour de justice de la République qui juge les membres du gouvernement pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés seulement de crimes et délits. La Cour comprend 15 juges : 12 parlementaires élus en leur sein et en nombre égal par l'Assemblée Nationale et le Sénat, 3 magistrats du siège à la Cour de Cassation dont l'un préside la Cour.

Cette Cour est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu'elles résultent de la loi.

Notons que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porte plainte auprès d'une commission des requêtes qui ordonne soit le classement de la procédure, soit la transmission au procureur général près la C de C aux fins de saisine de la Cour (art. 68-2)).

La commission d'instruction de la Cour s'est réunie pour la première fois le 25 juillet 1994. Elle a été amenée à mettre en examen M. L. Fabius, ancien Premier ministre, Mme Georgina Dufoix, ancien secrétaire d'État et M. Edmond Hervé, ancien ministre pour complicité d'empoisonnement dans l'affaire du sang contaminé.

NOTA: Précisons qu'une loi du 15 janvier 1963 avait crée une Cour de sûreté de l'État chargée de juger certaines infractions qui pouvaient être appréciées selon un critère politique; infractions pouvant être commises par tous. Elle était compétente notamment pour connaître de toute une série de crimes ou délits “lorsqu'ils sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective consistant ou tendant à substituer une autorité illégale à l'autorité de l'État” (ancien art. 698 du Code Pénal). Les juges appartenaient à la magistrature judiciaire et à l'armée. Cette Cour a été supprimée en 1981.