C Conséquence : la répartition empirique des contentieux entre juge administratif et juge judiciaire.
Limpossibilité de déterminer un critère objectif
du droit administratif a la conséquence suivante :
- limpossibilité de déterminer de manière systématique
ou cohérente les principes du droit administratif
- limpossibilité de déterminer de manière rationnelle
le champ du droit administratif
Cest donc seulement de manière empirique, en fonction de la nature
du litige, quon appliquera plutôt le droit administratif que le
droit privé, quon considérera que le juge administratif
est compétent plutôt que le juge ordinaire.
Dès lors, selon le type de contentieux, en fonction surtout de considérations
organiques ( la séparation entre autorités administratives et
judiciaires, la présence dune personne publique) mais aussi matérielles
(les notions de Service public, dintérêt général,
de puissance publique, etc.) qui fondent de manière tantôt alternative
ou cumulative les règles du droit administratif , le juge administratif
sera compétent.
A quoi il faut ajouter, que cette liaison entre le fond et la compétence
nest dailleurs pas toujours vraie. En effet, on ne saurait toujours
déduire la compétence administrative de la considération
des règles de fonds applicables. Dun côté le juge
administratif fait couramment application de dispositions du Code Civil et de
lautre, les tribunaux judiciaires peuvent appliquer des règles
du droit administratif au moins dans deux hypothèses :
- celle où ils ont compétence pour apprécier eux-mêmes
la légalité des actes administratifs : doù un système
particulier de solutions mis au point par le T des Conflits (cf. TC 16
juin 1923 - Septfonds pour la compétence du juge civil, TC 5 juillet
1951 Avranches et Desmarets pour le juge pénal).
- Celle où ils sont compétents à légard du
contentieux dun service public à gestion publique , tel que le
service public de la police judiciaire.
Mais si lon écarte ces distorsions entre le fond et la compétence,
la liaison est généralement respectée en fonction ce certains
principes jurisprudentiels que contredisent certaines dérogations législatives.
d) le contentieux des actes de l'administration
Principe de solution simple : au juge judiciaire, la contestation des actes
de droit privé ; au juge administratif celle des actes administratifs
(dont le critère est lexercice de prérogatives de puissance
publique) avec des dérogations législatives.
1° le contentieux des actes administratifs
Le principe : pour lessentiel, ce contentieux est réservé
au juge administratif en fonction de données organiques (lintervention
de personnes publiques) et de considérations matérielles.
Distinguons entre ;
le contentieux par voie daction : il sagit de recours exercés
directement contre de tels actes afin den obtenir lannulation, ou
plus modestement la réformation. Nous avons déjà souligné
à partir de la décision du Conseil constitutionnel 86-224 du 23
janvier 1987 que le juge administratif est constitutionnellement compétent
pour connaître de tels recours contre les décisions administratives
émanant dautorités publiques.
Mais le domaine délimité par le Conseil constitutionnel est trop
étroit ; il faut y ajouter :
- Les recours en déclaration de nullité des contrats administratifs
(sauf dérogation textuelle) ; cest-à-dire de contrats conclus
par une personne publique (directement ou par lintermédiaire dun
mandataire privé) qui, soit par leurs clauses (clauses exorbitantes du
droit commun), soit par leur objet (exécution de travaux publics [loi
du 28 pluviôse an VIII], occupation du domaine public [décret-loi
du 17/06/38], exécution dun service public [Conseil d'Etat
20 avril 1956 - Ep. Bertin]), soit par leur régime (exorbitant du droit
commun en vertu non de clauses mais de dispositions extérieures contenues
dans des textes Conseil d'Etat 19/01/1973 - Soc. dexploitation
électrique de la rivière de Sant), révèlent une
gestion publique et non privée de l'administration.
- Les recours par voie daction dirigés contre les actes administratifs
émanant de personnes privées ; cette hypothèse admise depuis
longtemps [Conseil d'Etat 31 juillet 1942 Montpeur] indique ici
qu'on séloigne des considérations organiques privilégiées
par le Conseil constitutionnel. La qualité de décisions administratives
des actes en question justifie la compétence des juges administratifs
; cela alors que la nature de personne privée de leur auteur conduit
le Conseil constitutionnel à ne pas prévoir cette compétence
.
Ce bloc de compétence subit cependant des dérogations législatives
au profit des juridictions judiciaires dans « un souci de bonne administration
de la justice » ; comme la autorisé le Conseil constitutionnel,
il sagit dunifier une compétence au profit de lordre
juridictionnel principalement intéressé par le contentieux en
question. Il en est ainsi des décisions administratives prises par certaines
autorités administratives indépendantes telles que le Conseil
de la Concurrence, la COB, etc. qui relèvent de la compétence
de la Cour dappel de Paris. [De même pour des raisons historiques,
le contentieux des impôts indirects est attribué au juge judiciaire
fiscal].
le contentieux par voie dexception :
rappel : alors que dans un recours par voie daction, lacte administratif
est lobjet même du litige, dans une contestation par voie dexception
la critique de lacte nest quaccessoire à lissue
dun litige. Une telle contestation se traduit par la seule déclaration
dillégalité de lacte qui nest pas annulé.
Sil est vrai que le Conseil constitutionnel na donné compétence
aux juridictions administratives que dans lhypothèse du contentieux
par voie daction, la sphère de compétence de ces juridictions
sétend en réalité aux exceptions dillégalités
des actes administratifs. Deux cas :
- Lorsque le litige principal est de la compétence des juridictions administratives.
La juridiction administrative est alors autorisée à statuer sur
lexception dillégalité qui constitue pour elle une
simple question préalable et non pas une question préjudicielle.
- Lorsque le litige principal se présente devant une juridiction judiciaire,
le principe de séparation des autorités devrait contraindre cette
juridiction à surseoir à statuer et à envoyer les parties
faire trancher la question préjudicielle par les juridictions administratives
compétentes. Mais létat du droit distingue entre :
- Le juge judiciaire non répressif (civil, commercial ou social) : il
est en principe incompétent pour accueillir une exception dillégalité
concernant un acte administratif unilatéral ou contractuel. Le principe
de séparation joue ici pleinement (TC - 16 juin 1923 - Septfonds) et
ne sincline quen matière dimpôts indirects (TC
- 7décembre 1998 District de lagglomération rennaise).
- Le juge judiciaire répressif bénéficie en revanche dune
plénitude de compétence, incluant les problèmes dinterprétation
et sétendant à lappréciation de la légalité
des actes administratifs dont dépend la solution dun procès
pénal. Cette faculté repose maintenant sur une disposition du
nouveau Code pénal (art. 111-5) 1992 ( ?) ; elle reposait auparavant
sur larrêt TC 5 juillet 1951 Avranches et Desmarets qui cependant
limitait la compétence du juge pénal à lappréciation
de légalité et à linterprétation des seuls
actes administratifs réglementaires. ; cela « quils servent
de fondement à la poursuite ou quils soient invoqués comme
moyen de défense ». Etaient donc exclus les actes individuels au
motif que cest surtout en présence dactes réglementaires
que le juge pénal se trouve le plus souvent en présence et autre
motif quun acte individuel contrairement à un acte réglementaire
peut être anéanti par une déclaration dillégalité.
Sur ce point le TC était dailleurs en désaccord avec la
Chambre criminelle de la Cour de Cassation ; cette dernière reconnaissant
la compétence des juges répressifs pour apprécier la légalité
de tous les actes administratifs, réglementaires et individuels, mais
à la condition quils soient invoqués comme fondement des
poursuites (Cass. Crim. 21 décembre 1961).
La nouvelle disposition du Code pénal déroge évidemment
au principe de séparation sans justification convaincante : simplement,
certains auteurs évoquent la nécessité pour le juge répressif
de maîtriser tous les éléments du procès afin de
statuer dans des délais raisonnables.
2° le contentieux des actes de droit privé.
Le principe : le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier
le sens et la validité dactes de droit privé (surtout contractuels).
Cest le respect du principe de séparation des autorités
qui conduit à cette solution. Dès lors le juge administratif refusera
de connaître les recours directs dirigés contre des actes de droit
privé (TC 19/01/1998 Melle Romain). Il doit également
surseoir à statuer et renvoyer les parties pour faire trancher les problèmes
dappréciation de validité ou dinterprétation
des actes de droit privé nécessaires à la solution des
litiges au principal. Cela peut se produire lorsque lappréciation
de titres de propriété conditionne lappartenance dun
bien au pétitionnaire dun permis de construire (Conseil d'Etat
10/12/97 Carbonnel).
Une seule dérogation : lappréciation de la validité
des règlements intérieurs des entreprises à loccasion
de recours dirigés contre les décisions prises à leur égard
par les inspecteurs du travail (Conseil d'Etat 12 juin 1987 Société
Gantois). Cette plénitude de juridiction suscite lhostilité
du juge judiciaire (Cass. Soc. 16 décembre 1992).
e) le contentieux des services publics
Le service public ou la poursuite de lintérêt général
est bien sûr la finalité ultime de lactivité administrative
; elle ne suffit cependant pas à la définir et à fournir
un critère matériel suffisant pour répartir les compétences
entre juridictions administratives et juridictions judiciaires. Dautres
éléments interviennent :
- les considérations organiques : ainsi la gestion de service public
par des personnes privées autorise à limiter la soumission au
droit public des litiges quelles peuvent susciter.
- Les contenus des missions des services publics : les services publics qui
ont des missions traditionnelles et symbolisant la spécificité
de la puissance publique sont dits administratifs ; le droit qui les régit
est naturellement le droit administratif appliqué le cas échéant
par le juridictions administratives. Les autres qui interviennent dans la vie
économique et sociale ont des activités rendant moins légitimes
lutilisation du droit administratif ; doù lappellation
de SPIC.
1° le contentieux des services publics gérés par des personnes
privées.
Il est admis que de tels services publics puissent être gérés
par le droit administratif et relever de la compétence des juridictions
administratives ; doù la preuve ici dun affaiblissement du
critère organique. Mais il faut nuancer :
- une personne ne peut gérer un service public que sur habilitation dune
personne publique
- lapplication du droit administratif nest que très partielle.
Dès lors quun service public est géré par une personne
privée, la compétence pour connaître des litiges liés
à son activité est très simplement déterminée
: quel que soit le type de service public géré (SPA ou SPIC),
ils sont attribués au juge judiciaire.
Dérogations :
- Les actes administratifs qui émanent des personnes privées gestionnaires
dun service public. [Conseil d'Etat 31 juillet 1942 Montpeur
] en tant quils traduisent la mise en uvre de prérogatives
de puissance publique.
- La réparation de dommages causés par des travaux publics réalisés
par des personnes privées. Ici la nature du service public doit être
prise en compte :
En cas de SPA, la compétence des juridictions administratives est absolue
En cas de SPIC, la compétence des juridictions administratives est limitée
aux dommages de travaux publics causés par un SPIC à des tiers
(Conseil d'Etat 25 avril 1958 Dame Veuve Barbaza) ; en effet,
tout ce qui concerne les relations entre un SPIC et ses usagers relève
de la compétence judiciaire (TC - 10 octobre 1966 Dame Veuve Canasse).
Il existe ici tout un bloc de compétence qui limite lapplication
de la loi du 28 pluviôse an VIII attribuant à lordre administration
la connaissance du contentieux des travaux publics.
- Le contentieux de lélection des membres des organes des ordres
professionnels, personnes privées chargées dune mission
de service public.
- Si les personnes privées emploient des fonctionnaires, alors les litiges
qui les opposent relèveront des juridictions administratives (cf. France
Telecom).
-
2° le contentieux des services publics gérés par des personnes
publiques.
Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires
ou encore le critère organique devrait conduire à ce que ce contentieux
soit tout entier confié au droit administratif et à la compétence
des juridictions administratives. Mais la distinction apparue entre SPA et SPIC
a conduit à relativiser ce critère. Il faut distinguer entre :
- Le contentieux des SPA : ici le critère organique fonctionne pleinement
; la compétence des juridictions administratives est générale.
Que ce soit pour les litiges avec les agents (TC 25 mars 1996 - Berkani),
les usagers (TC - 15 mars 1999- Mme Mistupa) ou les tiers (TC 15 novembre
1999 Comité dexpansion de la Dordogne) . Cette compétence
vaut autant pour le contentieux des actes unilatéraux ou contractuels
émanant des personnes publiques gérant les SPA que pour les actions
tendant à la mise en cause de leur responsabilité du fait de leurs
activités.
Nota : encas de dommage causé par un ouvrage public ou des travaux publics,
la loi du 28 pluviôse sapplique et fonde la compétence des
juridictions administratives .
- Le contentieux des SPIC : contentieux émietté avec une primauté
tour à tour du critère matériel et organique.
relations avec les usagers
:
Principe : à limage dune entreprise privée avec ses
clients, les relations entre un SPIC et ses usagers sont toujours de droit privé
; en raison des liens existants entre un tel service et ses usagers, lesquels
sont des liens de droit privé, les juridictions judiciaires sont seules
compétentes pour connaître de laction formée par un
usager » (TC 17 octobre 1966, Dame Veuve Canasse).
Dérogation : la compétence sera administrative si le recours est
dirigé contre un acte administratif unilatéral témoignant
de lusage de prérogatives de puissance publique ou encore si un
tel acte est mis en cause par voie dexception à loccasion
dun litige porté par lusager devant le juge judiciaire.
Ce bloc de compétence est si fort quil tient en échec divers
éléments favorables normalement à la compétence
des juridictions administratives :
Les contrats passés par la personne publique gestionnaire et ses
usagers sont toujours de droit privé même sils contiennent
des clauses exorbitantes du droit commun (Conseil d'Etat 13 octobre 1961
Établissements Campanon-Rey).
La loi du 28 pluviôse an VIII est neutralisée lorsque le
dommage de travaux publics ou lié à un ouvrage public est subi
par un usager dun SPIC (TC 24 juin 1954 Dame Galland). Mais
cela vaut uniquement dans le cas où la victime est bien lusager
du service et non pas des seuls ouvrages. En ce cas, la victime de louvrage
envisagée comme un tiers par rapport au service doit sadresser
aux juridictions administratives (Conseil d'Etat 24 novembre 1967
Delle Labat).
Limportance de la qualification dusager est telle que la jurisprudence
retient une conception large de cette notion et renforce dautant le bloc
de compétence au profit de juridictions judiciaires. Cest le cas
dun utilisateur frauduleux comme un voyageur sans titre de transport ou
lindividu sur le point de devenir usager comme celui qui sollicite le
raccordement de son habitation aux réseaux de distribution dénergie.
relations avec les tiers et les agents.
Principe : compétence judicaire (TC 11 juillet 1933 Dame
Mélinette)
Dérogations :
- Hypothèse dun acte administratif pris par le service public dans
lexercice de ses prérogatives de puissance publique (TC
22 novembre 1993 Matisse).
- Hypothèse de dommages causés par un ouvrage public ou des travaux
publics (TC 2 mars 1987 Compagnie « La Lutèce »).
La loi du 28 pluviôse an VIII déploie ses effets au profit des
juridictions administratives « que le dommage invoqué résulte
de lexistence même de louvrage ou quil ait pour cause
les conditions dans lesquelles le fonctionnement de cet ouvrage a été
assuré » (Conseil d'Etat 25 avril 1958, Dame Veuve Barbaza).
- Hypothèse de litiges individuels concernant les agents des SPIC tels
que le chef de comptabilité (sil possède la qualité
de comptable public) et celui « qui est chargé de la direction
de lensemble des services » (Conseil d'Etat 8 mars 1957 -
Jalenques de Labeau). Tous les autres agents des services relèvent des
juridictions judiciaires sauf le cas déventuels agents publics
en fonction, auprès de la personne publique gestionnaire du SPIC (sur
le fondement de textes législatifs ex : loi du 2 juillet 1990 pour les
agents de la Poste).
f) le contentieux réservé au seul juge judiciaire
Il sagit de contentieux réservés en principe aux juridictions
judiciaires et qui ne sintègrent pas aux hypothèses précédentes.
A quoi il faut ajouter certains chefs de compétence « naturels
» selon lexpression du Conseil constitutionnel.
1° la gestion du domaine privé.
Principe : selon la nature publique ou privée du domaine source du litige,
la compétence variera.
- Domaine public : il rassemble des biens des personnes publiques affectés
à lusage du public ou dun service public et spécialement
aménagés à cette fin. Leur finalité dintérêt
général justifie un régime juridique protecteur dont la
sanction est confiée aux juridictions administratives.
- Domaine privé : les biens ne répondant pas à la définition
précédente relèvent du domaine privé. Lexemple
type en sont les forets domaniales que lEtat ou les collectivités
locales gèrent comme « le bon père de famille » du
Code civil gère son patrimoine.
La compétence traditionnelle des juridictions judiciaires à légard
du decontentieux du domaine privé supporte quelques exceptions :
- Hypothèse où le domaine privé accueille cetians service
publics. Cest le cas de la protection et de la mise en valeur des forêts
pour des préoccupations de sauvegarde de lenvironnement. Le contenteiux
de ces activités de service public qui se détachent de lagestion
du doamine privé appartient aux juridictions administratives (Conseil
d'Etat 3 mars 1975 Courrière).
- Hypothèse dactes administratifs détachables de la gestion
du domaine privé comme la vente dune parcelle (Conseil d'Etat
10 mars 1995 Ville de Digne).
- Hypothèse où le domaine privé supporte des ouvrages publics
ou des travaux publics. Exemple : les routes forestières ouvertes à
la circulation générale (TC 5 juillet 1999, Menu). Application
de la loi du 28 pluviôse an VIII.
2° les contentieux réservés « par nature » aux
juridictions judiciaires.
Il sagit de matières visées de façon non explicite
par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1987.
- le droit des personnes :
Principe : les questions de droit des personnes (état et capacité,
nationalité, électorat) relèvent du droit privé
qui les soumet notamment au Code civil. Dès lors les juridictions administratives
sont incompétentes : il y a question préjudicielle.
Cest le principe de séparation qui conduit à soumettre aux
juridictions judiciaires les questions incidentes de ce genre intervenant dans
un procès administratif. Questions qui ne sont pas rares notamment en
droit des étrangers où la solution dun procès administratif
dépend alors de la filiation ou de la nationalité dun étranger.
Par contre ce principe devrait interdire que les juridictions judiciaires interviennent
en ces matières lorsquelles sont en présence dactes
administratifs. Ce nest pas le cas. Divers textes attribuent compétence
aux juridictions judiciaires pour connaître par exemple des actes administratifs
émanant de services de létat civil, des préfets en
matière de tutelle sur les pupilles de lEtat ou de commissions
administratives procédant annuellement à la révision des
listes électorales.
- les droits fondamentaux :
Principe : compétence des juridictions judiciaires notamment sur le fondement
de lart. 66 de la Constitution qui prévoit que « lautorité
judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de
ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
Ce principe reflète une tradition qui remonte à lépoque
napoléonienne confiant à cette autorité le contentieux
de mesures attentatoires au droit de propriété ou à la
liberté. Une loi du 10 mars 1810 a ainsi inauguré le mouvement
en confiant aux juridictions judiciaires le contentieux relatif au transfert
de propriété et à la fixation de lindemnité
en cas dexpropriation pour cause dutilité publique. Il a
ensuite été poursuivi avec lindemnisation consécutive
à des réquisitions. Enfin, la jurisprudence a imposé aux
juridictions administratives de surseoir à statuer sur les questions
préjudicielles de propriété rencontrées dans les
litiges où il est saisi (TC 18 décembre 1955 - Préfet
de la Meuse).
Dautres textes ont confirmé cette défiance vis-à-vis
des juridictions administratives en donnant compétence aux juridictions
judiciaires à légard dactes administratifs susceptibles
de porter atteinte à la liberté individuelle.
Exemple : lart. 136 du Code de procédure pénale qui donne
compétence aux juridictions judiciaires en matière de détention
et arrestation arbitraire et de violation de domicile, quelles visent
les agents ou l'administration. La jurisprudence nen a pas moins donné
une nouvelle interprétation stricte en limitant cette compétence
aux seules actions en réparation et même en cas en leur interdisant
dapprécier par voie dexception la légalité
dactes administratifs (TC - 16 novembre 1964 Clément).
Autre exemple : la compétence des juridictions judiciaires en vertu dune
loi à légard des mesures dhospitalisation doffice
en établissement psychiatrique décidées par les préfets.
Cependant, la jurisprudence interprète strictement en laissant aux juridictions
administratives le soin dapprécier la régularité
de la décision, les juridictions judiciaires appréciant sa seule
nécessité (cf. 27 novembre 1995, Préfet de Paris c/ Melle
Boucheras).
Outre ces textes, deux théories jurdiprudentielles confirment lidée
selon laquelle les juridictions judiciaires ont une compétence privilégiée
en matière de protection de s libertés et de la propriété.
- la voie de fait :
Principe : cett théorie conduit à attribuer aux juridictions judiciaires
la compétence à l'égard dactes émanant de
l'administration qui, compte tenu de la gravité des vices qui les entachent,
ne sauraient être encore qualifiés dactes administratifs.
Ladministration en se dénaturant perd le bénéfice
de lapplication de son droit spécifique et du recours à
un juge spécifique. Dès lors, il ny a pas dérogation
au principe de séparation mais bien application de ce principe.
Identification : cumul de deux conditions
- Exigence dune illégalité inadmissible. Deux hypothèses
: 1) le recours irrégulier à lexécution forcée
dune décision administrative légale ou non. Le recours à
la force est autorisé seulement dans les cas dautorsiation légale
ou juridictionnelle - dabsence de toute autre voie de droit - durgence.
2) une mesure manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir
de l'administration (saisie dun journal, confiscationde photos, rétention
de correspondances
) cf. TC 12 mai 1997 Préfet de
police de Paris).
- Atteinte grave à une liberté fondamentale ou à la propriété
privée (des meubles ou immeubles). Par exemple, l'administration ne saurait
préocéder doffice à la destruction dimmeubles
en état de péril après le passage dun cyclone . (TC
- 22 juin 1998 Préfet de la Guadeloupe).
Régime juridique : les juridictions judiciaires jouissent dune
plénitude de compétence qui sétend de la constation
de lexistence dune voie de fait au prononcé dinjonctions
(TC 17 décembre 1962 Société civile du domaine
de Comteville) et à la réparation des dommages causés.
La constatation dune voie de fait inclut évidemment lappréciation
de la légalité des actes administratifs incriminés, même
réglementaires (TC 30 octobre 1947 Barinstein). Cette compétence
nest cependant pas exclusive puisque les juridictions administratives
tenues de se déclarer incompétentes doivent pouvoir aussi constater
la voie de fait, en déclarant au besoin linexistence des actes
administratifs intervenus ( TC - 27 juin 1966 Guigon).
Exception : le principe de lintangibilité des ouvrages publics.
Les juridictions judiciaires ne peuvent par exemple ordonner leur démolition
même si leur implantation é été constitutive dune
voie de fait.
Pratique : la facilité de la procédure du référé
judicaire a incité les justiciables à alléguer abusivement
lexistence de voies de fait. Lamélioration des procédures
durgence, notamment linstauration dun référé-injonction
(loi du 30 juin 2000) devrait permette de limiter ces abus. (Cf. TC 23 octobre
2000 M. Boussadar c/ Ministre des Affaires étrangères).
- lemprise irrégulière :
Définition : lemprise consiste pour une administration à
prendre possession temporairement ou définitivement, de façon
partielle ou totale dun immeuble, et dempêcher ainsi son propriétaire
de lutiliser.
Il y a ici lidée dune véritable dépossession,
dune occupation de limmeuble (cf. « mainmise ») et pas
seulement dune atteinte extérieure comme un fossé, un obstacle.
Si lemprise est régulière, les juridictions administratives
sont compétentes. Si elle est irrégulière, ce sont les
juridictions judiciaires. Par exemple, du fait de lillégalité
de larrêté préfectoral, dune réquisition
irrégulière.
Lorsque lemprise seffectue en dehors de toute habilitation textuelle
(comme ce peut être le cas en matière doccupations de terrains
pour les besoins de lexécution de travaux publics), elle est irrégulière.
Le souci de protéger la propriété privée a conduit
la jurisprudence judiciaire à confier le soin de statuer sur la demande
dindemnité formée par le propriétaire. (TC - 17 mars
1949 Société « Hôtel du vieux Beffroi »).
Le contentieux confié aux juridictions judiciaires se limite curieusement
à celui de lindemnisation ; elles ne peuvent donc statuer sur la
légalité des actes administratifs à lorigine de lemprise
(TC 30 juin 1949 Nogier).
Fondement : volonté de transposer le régime légal propre
à lexpropriation ou aux réquisitions qui sont des hypothèses
proches de lemprise. Autrement l'administration aurait pu être tentée
dagir illégalement pour bénéficier de son juge spécifique.
Comparaison avec la voie de fait ; champ plus large de la voie de fait qui associe
protection de la propriété et des libertés fondamentales
mais application plus restreinte quant au degré dillégalité
: elle doit être grave alors que toute illégalité suffit
à la mise en uvre de la théorie de lemprise irrégulière.
Enfin, la voie de fait justifie la plénitude des pouvoirs des juridictions
judiciaires tandis que la compétence du juge de lemprise est limitée
à lindemnisation de la victime.
g) le contentieux réservé par la loi :
Deux lois au moins apportent une atteinte importante au principe de séparation
des autorités par le fait, que concernant des cas de responsabilité
de la puissance publique, elles les soumettent à des règles de
droit privé.
1° la responsabilité du fait des véhicules :
Loi du 31 décembre 1957 sur la responsabilité du fait des choses
et plus spécialement des véhicules. Elle dispose que, quelle que
soit la personne morale propriétaire du véhicule (même si
cest une personne morale de droit public), les cosnséquences de
laccident seront soumises aux juridictions judiciaires et régies
par le droit civil.
champ dapplication : on a entendu viser à lorigine
essentiellement les accidents de la circulation routière. Mais le champ
a été élargi du fait quon a entendu de façon
extensive les termes de véhicule = « engin susceptible de se mouvoir
par le moyen dun dispositif propre »
nature du dommage : tout dommage au sens large dans lequel est impliqué
un véhicule. Déchargement, vibration, etc.
dérogations :
- daprès la loi elle-même : lorsque les dommages ont été
subis par une dépendance du domaine public;
- existence dun contrat administratif entre la victime et la personne
publique
- la loi de 1957 nest applicable que si elle est invoquée par la
victime.
2° la responsabilité du fait des enseignants :
Loi du 5 avril 1937.